Lorsque vous pensez à Perpignan (France), vos pensées se tournent immédiatement vers ses superbes bijoux, qui sont le fruit d'une tradition d'excellence bien établie. De même, lorsque vous vous rendez à Solingen (Allemagne) et que vous voyez les célèbres couverts exposés dans les boutiques locales, vous vous rendez vite compte que ces objets incarnent des siècles de savoir-faire artisanal.
Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que, comme d'autres produits artisanaux et industriels, le Garnet de Perpignan(bijoux) et le Schneidwaren aus Solingen (coutellerie) sont protégés en tant que indications géographiques ('GI's).
Les IG sont un type particulier de propriété intellectuelle ("PI") qui protège le nom de produits ayant une origine géographique spécifique et possédant une certaine réputation ou des qualités, dues à ce lieu d'origine. L'utilisation du nom protégé par une IG est réservée aux producteurs de cette zone et qui fabriquent un certain produit conformément à des règles et normes spécifiques. Cela signifie, par exemple, qu'un fabricant de bijoux en grenat établi en dehors de la région de Perpignan ne pourra pas utiliser le nom "Garnet de Perpignan" pour ses produits. Très probablement, outre le fait qu'ils ne sont pas produits à Perpignan, ces produits seront également fabriqués selon des règles différentes de celles suivies par les bijoutiers perpignanais.
Comment les produits artisanaux et industriels sont protégés aujourd'hui en tant qu'IG
En Europe, initialement, la protection des IG se concentrait sur les produits agricoles, notamment les aliments, les vins et les spiritueux. L'Union européenne ("UE") a mis en place une législation étendue relative à la protection des produits agricoles et des denrées alimentaires, des vins et des boissons spiritueuses. Des noms comme Hånnlamb (agneau de la région de Gotland en Suède) et Beurre d'Ardenne (beurre des Ardennes en Belgique) sont des exemples de indications géographiques agricoles enregistrées dans l'UE.
Mais que se passe-t-il lorsque les noms à protéger sont ceux de produits artisanaux et industriels ? Actuellement, les noms de produits tels que les couteaux et les couverts, les bijoux, les meubles, la porcelaine et la céramique, ainsi que la dentelle peuvent être protégés à travers les différents pays de l'UE en tant qu'IG, conformément au droit national.
Les noms des produits artisanaux et industriels peuvent être protégés en tant qu'IG.
Après qu'un tribunal ait refusé de manière célèbre d'accorder à la ville de Laguiole le droit d'empêcher l'enregistrement de "LAGUIOLE" comme marque, la France a adopté en 2014 une loi qui permet de protéger les produits artisanaux et industriels par le biais d'une procédure d'accréditation administrée par l'office national de la propriété intellectuelle (INPI). Grâce à cette loi, de nombreuses IG artisanales et industrielles ont déjà été enregistrées en France, les premières étant pour Siège de Liffol (chaises, enregistrées en 2016), Granit de Bretagne (granit, enregistré en 2017), et Limoges Porcelain (porcelaine, également enregistrée en 2017).
Que se passe-t-il dans l'UE ?
Bien que d'autres pays aient mis en place des systèmes similaires à celui de la France, la protection disponible varie considérablement au sein de l'UE, et il n'existe actuellement aucun cadre législatif protégeant spécifiquement les IG artisanales et industrielles au niveau de l'UE. Depuis 2011, la Commission européenne examine l'opportunité d'étendre la protection des IG de manière à englober à la fois les produits agricoles, artisanaux et industriels. La discussion d'un système européen pour les IG artisanales et industrielles s'est intensifiée au cours des dernières années. Cela s'explique également par le fait que les IG ne sont pas seulement des "droits". Ce sont des outils qui garantissent que la production locale est économiquement viable. Ces droits renforcent également les liens entre un produit et d'autres activités locales telles que la promotion des activités culturelles, du tourisme et de l'art.
En 2020, une étude commandée par la Commission européenne a bien révélé que la protection des IG artisanales et industrielles serait globalement bénéfique aux consommateurs et aux producteurs, tout en soutenant le développement régional. Il est clair que les IG peuvent soutenir les objectifs de durabilité et contribuer à protéger davantage le patrimoine culturel. En ce sens, elles pourraient également contribuer à fixer les objectifs de l'économie circulaire, qui sont au cœur de plusieurs politiques de l'Union européenne.
L'avenir
Les enquêtes révèlent que, également en raison de la pandémie de COVID-19, les consommateurs en Europe sont de plus en plus concernés par la durabilité et l'importance à la fois de faire des choix "plus verts" et de soutenir les entreprises locales. La protection des IG artisanales et industrielles peut jouer un rôle dans tout cela. En outre, la diversité des approches dans les différents pays de l'UE peut créer des frictions dans le fonctionnement du marché intérieur de l'UE. Ces deux aspects peuvent soutenir une discussion encore plus intense autour de l'introduction d'un cadre européen visant à protéger, en tant qu'IG, non seulement les produits agricoles mais aussi les produits artisanaux et industriels.
En 2020, la Commission européenne a annoncé qu'elle pourrait proposer une législation visant à introduire un système européen de protection des produits artisanaux et industriels liés géographiquement. Une proposition législative a récemment été dévoilée.
Donc, à quoi ressemblera l'avenir des produits artisanaux et industriels ? Il est probable qu'il y aura une plus grande implication de l'UE et un cadre législatif spécifique pour les protéger en tant qu'IG au niveau de l'UE. Restez à l'écoute!
Eleonora Rosati est une avocate diplômée italienne, expérimentée en droit d'auteur, marques, mode et internet. Le Dr Eleonora Rosati est professeur titulaire de droit de la propriété intellectuelle (PI), directrice de l'Institut de la propriété intellectuelle et du droit du marché (IFIM) et codirectrice du LLM en droit européen de la PI à l'Université de Stockholm. Elle est également l'auteur de plusieurs articles et ouvrages sur les questions de propriété intellectuelle.
Cet article a été publié pour la première fois dans l'édition de septembre de Alicante News.